N’gômô, le 15 mai 1914

Cher Monsieur,

Quelques mots seulement pour vous annoncer mon heureuse arrivée ici après une traversée des plus calme.

J’ai été reçu ici d’une façon tout à fait amicale et me suis trouvé à l’aise aussitôt.

A Libreville, [...?] instituteur m’a reçu ou plutôt est venu me prendre à bord le soir de notre arrivée. J’ai passé la nuit dans la maison missionnaire de [Baraka?]

Mon impression a été excellente [?] l’instituteur. Ses élèves chantent bien, garçons et filles, des cantiques en français.

La prononciation n’est pas excellente, mais c’est compréhensible, et ils semblent comprendre le sens de leurs paroles.

Je n’ai eu qu’une heure pour visiter la station car le bateau partait à 8 heures, mais j’ai pu me rendre un peu compte de [...?]. La maison principale est une peu délabrée, mais la chapelle et l’école semblent à première vue en bon état. Le bateau [à] moteur pourrait encore rendre de bons services. Il est seulement rouillé mais aux dires du chauffeur que j’ai vu, il n’a pas de mal.

Tant l’évangéliste que l’instituteur se réjouissent beaucoup de [...?] des blancs de temps en temps, et ils espèrent aussi [...?] à demeure.

L’instituteur aimerait je crois poursuivre ses études plus avant mais il attend pour cela l’arrivée d’un blanc. Il me parait un homme de confiance.

En arrivant à N’gômô, ma toute 1ère impression (s’il est vrai qu’on peut savoir le classement de ses impressions) a été une déception de trouver le pays déjà si bien civilisé. Il semblait inutile d’apporter plus. Je me rends compte maintenant qu’il reste encore beaucoup à faire / à poursuivre. D’autant plus que cela a bien commencé; il importe donc de bien continuer.

Je ne peux vous donner maintenant des impressions bien utiles car elles sont sans autorité.

Lorsque j’aurai fait quelques expériences, je pourrai mieux me prononcer.

Une chose me semble certaine, c’est qu’on peut aimer les noirs comme les blancs, il y a le même phénomène de sympathies naturelles qui se produit.

J’ai déjà envers les élèves de l’école une grosse dette de reconnaissance car ils m’ont procuré beaucoup de joie tant par leurs chants que par leur physionomie ouverte et joyeuse. Je ne me sens déjà plus un étranger pour eux.

Excusez ma brièveté, le peu de temps et [...?].

Ma santé est bonne à tous égards.

Croyez cher Monsieur à mes sentiments distingués.

Paul E. Pasteur